Sommet Union Européenne-Union Africaine, Bruxelles, 17-18 février 2022 : 150 milliards € annoncés pour l’Afrique

A quelques jours du 6ème Sommet Afrique-Europe, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en visite à Dakar, a annoncé le 10 février que l’Europe mobiliserait plus de 150 milliards d’euros d’investissements pour l’Afrique dans les prochaines années. On notera le rôle de facilitateur du  président sénégalais, Macky Sall, depuis peu président de l’UA, proche des présidents Charles Michel et Emmanuel Macron.

 

L’initiative européenne mondiale Global Gateway, au cœur du Sommet

Ce montant s’inscrit dans l’initiative européenne, Global Gateway, lancée en décembre dernier qui vise à mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros de fonds publics et privés pour des projets d’infrastructures dans le monde. La moitié serait donc ciblée vers l’Afrique qui constituera le tout premier plan régional, à peine deux mois après son lancement.

Global Gateway doit mettre en synergie les moyens de l’Union européenne, des États membres, des institutions financières européennes, des agences nationales de développement sous le label Team Europa et le privé pour des projets d’infrastructures stratégiques et dans les domaines de l’industrie, de la santé, de la jeunesse et de l’éducation. Le déficit de ces infrastructures dans le monde est estimé par les experts de l’UE à 1300 milliards d’euros/an sur les 10 prochaines années.

Elle apparait comme une réponse à celle de la Chine, la Belt and Road Initiative,  les nouvelles routes de la soie, voire au projet similaire des Etats-Unis, Blue Dot Network, ainsi qu’à la vive concurrence d’autres pays, Russie, Turquie… L’initiative européenne tient compte à la fois que l’UE reste de loin le 1er investisseur étranger en Afrique et qu’elle se fonde sur des « valeurs auxquelles l’Europe et l’Afrique sont attachées, comme la transparence, la durabilité, la bonne gouvernance et le souci du bien-être des populations ». La commissaire européenne avait ajouté, dans un entretien à l’AFP, que les investissements étrangers en Afrique avaient « trop souvent des coûts cachés, des coûts financiers, politiques, environnementaux et sociaux, parfois très lourds ».

 

5 ans après le 5ème Sommet UE-Afrique à Abidjan

Ce Sommet se tient 5 après celui d’Abidjan (novembre 2017). Il réunit tous les pays d’Europe et d’Afrique, à l’exception du Somaliland, non reconnu internationalement et de 4 États, Soudan du Sud, Guinée Conakry, Mali et Burkina Faso dont l’UA, co-organisatrice, a refusé la participation en raison des récents coups d’État. Ambitieux, il doit jeter les bases d’un partenariat renouvelé et approfondi entre l’UA et l’UE, bénéficiant d’un engagement politique au plus haut niveau, avec la participation attendue de la plupart des chefs d’État et de gouvernement, européens et africains.

Ce sera notamment la première fois que les 27 chefs d’État et de gouvernements européens auront l’occasion de discuter physiquement avec leurs homologues africains  (une quarantaine d’entre eux seront présents) des contours larges de la stratégie qu’entend mettre en place l’UE en direction de son grand voisin du Sud.

 

Les thèmes : sécurité, migrations, relations commerciales

Au-delà du programme d’investissements Global Gateway, les discussions porteront notamment sur les composantes sécuritaires, migratoires et commerciales de la coopération Afrique-Europe.

Sécurité

Au cœur de l’actualité (7 coups d’État ou tentatives en 18 mois, menace djihadiste et ressentiment anti-français voire anti-européen des populations), ce volet, constituera un temps fort du Sommet. On notera, outre l’engagement prééminent de certains pays (France), que sur les 6 missions militaires européennes en cours, 5 concernent l’Afrique, en Somalie (deux), Mali, République Centrafricaine et Libye. En complément, l’UE déploie également 4 missions civiles, en Libye, Somalie, Sahel Niger et Mali.

 

Migrations

Le différentiel de développement, la poussée démographique, la proximité géographique et les liens culturels expliquent ces mouvements qui ne cessent de s’amplifier depuis l’Afrique, notamment de certains pays : Maroc, Algérie, Tunisie, Côte d’Ivoire, Somalie, Soudan.

Face à ces flux irréguliers, l’Europe assiste les États membres dans la sécurisation de leurs frontières. Son agence Frontex monte en puissance : ses effectifs devraient s’élever à 10 000 garde-côtes et gardes-frontières dans quatre ans, soit dix fois plus qu’en 2018. Elle a parallèlement proposé au Sénégal d’y déployer ses forces d’ici l’été.

Elle s’efforce en effet d’agir aussi dans les pays de départ, menant deux stratégies de front : une externalisation de la gestion des frontières, notamment à partir de la Libye, pays de transit, et une lutte contre les causes profondes de la migration. A terme, l’UE vise à financer des projets participant au développement du continent. Un Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique a été lancé en 2015. Disposant de 5 milliards d’euros, il bénéficie à 26 pays répartis dans 3 zones du continent : Afrique du Nord, Sahel/Lac Tchad et Corne de l’Afrique.

 

Relations commerciales et IDE : l’Europe en tête mais fragilisée

L’Europe reste le 1er partenaire commercial de l’Afrique et investisseur étranger. Mais, outre la multiplication de concurrents, souvent peu regardants, de nombreux obstacles, d’ordre sécuritaires, réglementaires fragilisent ces positions.

Soutenue par l’UE, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) devrait profiter aux investisseurs européens, alors moins contraints dans le développement de leurs activités en Afrique. Susceptible de constituer la plus grande zone de libre-échange au monde, elle doit d’ici 15 ans supprimer 90 % des droits de douane sur les biens et services échangés entre tous les pays du continent. Cette approche doit être mise en cohérence avec les accords antérieurs de partenariat économique (APE) afin qu’ils se renforcent mutuellement. A terme, l’objectif des Européens est de connecter leur marché intérieur à la Zlecaf, et de mettre ainsi en place un très vaste espace de libre-échange couvrant la majeure partie de deux continents.

 

Le programme du Sommet : des tables rondes thématiques

7 tables rondes thématiques seront également organisées. Elles portent sur (i) les principes fondamentaux d’une future alliance dans le respect et l’intérêt mutuels, (ii) la manière d’instituer un espace commun de prospérité, (iii) la sécurité et la stabilité afin de parvenir ensemble à des solutions opérationnelles. Les thèmes débattus sont ainsi les suivants :

    1. Financement de la croissance (co-présidée par le président Macron)
    2. Systèmes de santé et production de vaccins
    3. Agriculture et développement durable
    4. Éducation, culture et formation professionnelle, migration et mobilité
    5. Soutien au secteur privé et intégration économique
    6. Paix, sécurité et gouvernance
    7. Changement climatique et transition énergétique, [connectivité et infrastructure] numériques et en matière de transports

Si la croissance du continent en 2021 a dépassé son rythme d’avant crise (+3,8% en 2021 contre 3,2% en 2019, elle décroche par rapport à la croissance mondiale qui progresse cette dernière année de plus du double. Ce constat constitue un enjeu central du Sommet,  celui d’une reprise durable pour le continent africain, du financement et du besoin de nouveaux mécanismes, à l’échelle des pays, du continent et de son rapport au monde.

Conclusion : une déclaration commune et le rôle moteur de la France

Le Sommet devrait déboucher sur une déclaration commune : « Vision commune pour 2030 ». Un douzaine de grands projets emblématiques seraient annoncés, notamment dans le domaine de l’énergie (des unités de production d’hydrogène) ou du numérique (un câble sous-marin le long de la côte atlantique). Un des indicateurs de succès de la réunion sera la réallocation en faveur de l’Afrique d’une partie des Droits de tirages spéciaux du FMI à disposition des Européens.

Du côté européen, 3 personnalités portent ce Sommet et accueilleront les participants, européens et africains :  le président du Conseil européen, Charles Michel (belge), la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen (allemande) et, depuis le 1er janvier 2022, le président du Conseil de l’UE, Emmanuel Macron qui a fait de l’Afrique dès son investiture en France en 2017, une de ses premières priorités.

Une conférence internationale sur le thème « Relations commerciales Union européenne-Afrique : vers de nouveaux partenariats », tenue à Paris le 10 janvier a ainsi donné le coup d’envoi de la présidence française du Conseil de l’UE. Organisée par la Direction générale du Trésor (Bercy) et le Quai d’Orsay, cette conférence visait à mettre en valeur le partenariat européen avec l’Afrique en matière de commerce et d’investissement, à quelques semaines du Sommet.

Réunis à Marseille, au Palais du Pharo,  le 14 février, les ministres du Commerce européens ont convenu de la nécessité d’intensifier les échanges commerciaux et les investissements avec l’aide du secteur privé entre l’Europe et l’Afrique: renforcer les chaînes de valeurs eurafricaines, apporter un appui technique à la zone de libre-échange africaine Zlecaf en vue de conclure un accord de continent à continent, soutenir les investissements en Afrique dans le cadre de l’initiative européenne « Global Gateway »…

 

Côte d’Ivoire: Le Président Alassane Ouattara participera au Sommet

Il sera en particulier présent à la table ronde sur le financement de la croissance et co-présidera celle consacrée à l’agriculture et au développement durable. En marge du Sommet, il rencontrera les parlementaires européens sur le cacao durable, et s’entretiendra avec plusieurs de ses homologues.

Au cours de son séjour, le Chef de l’Etat aura des entretiens avec Philippe de Belgique, Roi des Belges et avec le Président du Conseil Européen, Monsieur Charles Michel. En outre, Il participera à un déjeuner-débat avec la Chambre de Commerce Belgo Luxembourgeoise Afrique Caraïbes Pacifique. Source: Présidence

 

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A noter le 7ème Forum d’Affaires UE-Afrique (EAFB 22) en parallèle du 14 au 18 février

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Prospectus du Forum: EABF22_Flyer_FR