Poursuite du processus de réconciliation nationale : rencontre le 27 juillet entre le président Alassane Ouattara et son prédécesseur, Laurent Gbagbo, de retour d’exil

 

Une étape marquante depuis l’élection présidentielle contestée d’octobre

La réélection contestée en septembre dernier du président Alassane Ouattara pour un 3ème mandat en octobre dernier, précédée par des violences au cours de l’été, boycottée par les oppositions faisait craindre un risque de déstabilisation politique et sociale majeur pour la Côte d’Ivoire, 10 ans après la crise post-électorale de 2010-2011 et ses 3000 victimes. On rappela que le pays n’avait jamais connu une transition politique pacifique entre deux présidents depuis la mort du premier d’entre eux, Félix Houphouët-Boigny, le 7 décembre 1993.

Aussi l’entretien ce 27 juillet entre le président Ouattara et l’ancien président Gbagbo est-il à saluer comme une étape encourageante voire décisive d’un processus de réconciliation nationale en cours de part et d’autre depuis plusieurs mois.

 

Une volonté de réconciliation de part et d’autre, saluée et soutenue par la grande majorité de la population et la communauté internationale

Un ministre de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale a été nommé dès décembre, M. Kouadio Konan Bertin, opposant et en lice pour l’élection présidentielle. Le 6 mars dernier, les trois principaux partis du pays – Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir), Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et Front populaire ivoirien (FPI) – participaient pour la première fois depuis une décennie à des élections législatives tenues dans un climat apaisé. Entretemps, nombre d’opposants ont été libérés ou sont revenus d’exil. Parmi eux, le président Laurent Gbagbo lui-même, le 17 juin et prochainement son ancien ministre Charles Blé Goudé, tous deux acquittés par la Cour Pénale Internationale de La Haye à l’issue d’un long procès ou encore l’ancien maire de la commune du Plateau, le quartier d’affaires d’Abidjan, Noël Akossi Bendjo le 3 juillet. Autre signe de progrès : 7 ans après la fin de sa mission (2011-2014), Charles Konan Banny, ancien Premier ministre, met enfin les principales conclusions et recommandations du rapport de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) à disposition du public.

Si la communauté internationale et notamment la France n’ont cessé d’œuvrer en faveur de cette entente auprès des différentes parties, gage d’un retour à une paix durable, la population dans sa grande majorité, traumatisée par les années de crise, comme les formations politiques, soutiennent ce rapprochement. Elles restent cependant prudentes, attendant que d’autres actes forts consolident ces avancées. Le président du FPI, Pascal Affi N’Guessan, le parti fondé par Laurent Gbagbo dont celui-ci s’est éloigné, a exprimé sa satisfaction : « l’esprit de dialogue n’est désormais plus perçu comme un renoncement à ses convictions ». Il en est de même de Guillaume Soro, ancien chef des rebelles du nord, premier ministre, président de l’Assemblée, en exil depuis 2019, condamné à la prison à vie en Côte d’Ivoire en juin dernier, qui applaudit une « rencontre bienvenue ». La société civile par la voix du président de la Fédération nationale des victimes de la crise en Côte d’Ivoire, Mamadou Soromidjo Coulibaly, approuve la rencontre mais attend la suite…

Une rencontre en tête à tête qui devrait être élargie prochainement à d’autres personnalités, en particulier au président du PDCI, HK Bédié

Cette rencontre d’une heure, en tête à tête, au Palais de la présidence, précédée d’un entretien téléphonique le 7 juillet, discrètement préparée par des émissaires proches de l’un et de l’autre, s’est déroulée de manière « cordiale et fraternelle » selon une note de la Présidence, après toutefois des déclarations peu amicales des camps respectifs. Mais, comme l’observe justement le magazine Jeune Afrique, ces retrouvailles s’inscrivent d’abord dans une logique de fraternité africaine.

L’ancien président Gbagbo s’est également réjoui de cet entretien de nature à contribuer au renforcement d’un climat de confiance et de cohésion sociale. Il a demandé à son interlocuteur, la poursuite de la libération d’opposants politiques (110 détenus à la suite de la crise post-électorale de 2010-2011) et du dialogue national susceptible d’aboutir à l’entrée de membres de l’opposition dans le gouvernement.

Le président Ouattara dont la légitimité est rehaussée par cette ouverture, reste cependant réservé. Dans l’immédiat, d’autres personnalités politiques devraient à leur tour être conviées en audience. Une nouvelle rencontre qui inclurait l’autre ancien président, Henri Konan Bédié, actuellement président du PDCI, le principal parti d’opposition, pourrait avoir lieu lors de la fête de l’indépendance le 7 août prochaine.

On se souviendra que 3 semaines après son retour en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, avait rencontré le 10 juillet Henri Konan Bédié, dans sa résidence de Daoukro. Après des années d’hostilité et de prises de pouvoir, au détriment du premier en 1995 puis du second en 2000 et 2002, l’entretien s’inscrivait dans le rapprochement initié aux législatives de mars dernier, au sein d’une plateforme commune, EDS (Ensemble pour la démocratie et la souveraineté).

 

 

 

Laurent Gbagbo avec HK Bédié, le 10 juillet 2021