Renforcement des mesures de lutte contre la Covid-19 en Côte d’Ivoire. Situation préoccupante sur l’ensemble de l’Afrique

 

Face à la recrudescence de l’épidémie depuis le printemps dernier, le Conseil national de sécurité (CNS) tenu le 9 septembre, sous la présidence du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, a édicté des mesures plus contraignantes:  à l’arrivée des voyageurs par voie aérienne, réduction de 5 à 3 jours (72 heures) de la validité des tests PCR à partir du 13 février et passe sanitaire à QR code obligatoire à partir du 20 septembre.

Pour l’ensemble du pays,  en cas de persistance de la pandémie, des mesures plus fortes seront prises, notamment «l’interdiction de l’accès aux restaurants, maquis, bars, cinémas, stades, établissements hôteliers, bâtiments administratifs publics et privés, universités et grandes écoles aux personnes non vaccinées ou aux personnes ne disposant pas d’attestation de test antigénique ou PCR négatif datant de moins de 72 heures»

 

Une épidémie en hausse en Côte d’Ivoire

Plusieurs facteurs expliquent l’accélération de l’épidémie, alors que la Côte d’Ivoire comme l’Afrique globalement a été et reste encore relativement épargnée par rapport au reste du monde. Mais le variant Delta marque depuis le début de l’été une 3ème vague plus contagieuse, favorisée par les vacances scolaires et un relâchement du respect des mesures barrières.

 

1% seulement de la population ivoirienne complètement vaccinée

 Selon le bilan dressé lors de cette réunion du CNS par le ministre de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, Pierre N’Gou Dimba, 57 293 cas et 488 décès ont été dénombrés depuis le début de l’épidémie mais 112 personnes sont mortes durant le seul mois d’août, soit ¼ des décès totaux.  Ainsi « la moyenne du taux de positivité est de 7 %, au-dessus du seuil d’alerte de 5 %, contre moins de 3 % depuis le début de la pandémie en Côte d’Ivoire »

A la date du 7 septembre, moins de 1,5 million de personnes (5,9 % de la population) ont reçu une dose de vaccin et seules 272 126 personnes (1 % de la population) ont reçu les deux doses.

 

Les actions sont lancées mais avancent lentement

Au 20 août, toujours selon le communiqué ministériel, ce sont 118 530 doses du vaccin Pfizer qui ont été réceptionnées dans le cadre de l’initiative COVAX. Tandis que 100 800 doses du vaccin Johnson and Johnson ont été reçues par le pays dans le cadre de l’initiative AVAT. Ces livraisons portent à 2,6 millions, le nombre total de vaccins reçus à ce jour, sur une commande de plus de 12 millions de doses. «Le processus d’approvisionnement en vaccins se poursuit donc et permettra la vaccination ininterrompue et complète des populations»

La vaccination avance mais lentement, ce qui rend l’objectif de 60 % de la population vaccinée d’ici à la fin de l’année difficile à atteindre. Aussi le gouvernement a-t-il annoncé le lancement d’une vaste campagne de sensibilisation pour vacciner en priorité les professionnels de santé, les forces de défense et de sécurité, les enseignants, les restaurateurs, les officiers de justice et les personnes à risque.

 

Une situation globalement préoccupante en Afrique

 Le bilan de la pandémie en début septembre est évalué à quelque 200 000 morts et près de 8 millions de cas enregistrés . Même si l’on s’accorde à penser que ce chiffre est sous-estimé du fait de la faiblesse des moyens de dépistage, le continent, à ce jour, a été relativement moins affecté que le reste du monde (4,5 millions de morts). La raison en est en grande partie la démographie : L’âge médian est de moins de 20 ans – plus de 2 fois inférieur à celui de l’Europe –  et les plus de 65 ans, qui représentent la majorité des cas sévères, compte pour moins de 3 %.

6 pays – l’Ouganda, la Tunisie, la Namibie, l’Afrique du Sud, la Zambie et le Zimbabwe – représentent actuellement plus de 80 % des décès enregistrés sur le continent. A elle-seule l’Afrique du Sud compte plus de 40% des décès (84 000), la situation apparaissant toutefois fluctuante, 24 pays sur 54, en particulier en Afrique de l’Ouest.

 

Évolution inquiétante

Si la propagation de la pandémie a ralenti depuis quelques semaines, il est observé une amplification des cas depuis le printemps dernier, avec l’apparition de variants plus contagieux, Delta, Alpha, Beta… : 27 000 décès en juillet et 26 000 en août selon les bilans sanitaires communiqués quotidiennement par les autorités sanitaires nationales ou par l’OMS, ne reflétant pourtant qu’une fraction du total réel des contaminations.

 

Un très faible taux de vaccination : 2% des doses pour l’Afrique à ce jour pour une population qui représente 17% du total mondial

L’Afrique est le continent où la vaccination est la moins avancée. Seuls 143 millions de doses y ont été reçues, soit 2% des 5,3 milliards administrées dans le monde au 1er septembre et 39 millions de personnes, soit à peine 3 % de la population entièrement vaccinées.  En comparaison, 52 % le sont aux États-Unis et 57 % dans l’UE. Seules 8 doses pour 100 habitants ont été administrées, selon un comptage de l’AFP, contre 102 en Europe et 116 aux Etats-Unis et au Canada.

Près de 80% du continent africain, soit huit pays africains sur dix, n’atteindront pas l’objectif mondial de vacciner 1/10ème de leur population d’ici septembre. 9 pays, dont les Seychelles, le Cap Vert, l’Afrique du Sud, le Maroc et la Tunisie, ont déjà atteint l’objectif mondial fixé en mai par l’OMS. Au rythme actuel, 3 autres pays africains (Comores, Guinée équatoriale et Sao Tomé-et-Principe) devraient également l’atteindre.

 

Manque de vaccins : un rattrapage en août encore précaire

Près de 21 millions de vaccins Covid-19 sont arrivés en août dernier en Afrique via le mécanisme COVAX, une quantité égale à celle des 4 mois précédents réunis. Le flux en provenance de COVAX et de l’UA (AVAT) devrait se poursuivre d’ici la fin du mois de septembre. Ainsi l’objectif de 10 % pourrait être atteint. A condition toutefois que les vaccinations se fassent. L’Afrique jouit certes d’une expérience considérable en matière de campagnes de vaccination de masse, atteignant une couverture quasi universelle pour la fièvre jaune et la polio, ayant récemment fait face à de multiples épidémies du virus Ébola et disposant de structures actives de professionnels de santé  jusque dans les villages. Mais du fait d’obstacles logistiques et financiers (définition des populations prioritaires, chaîne du froid, transport, formation des agents de santé…) ainsi que de réticences psychologiques (désinformation et manque de confiance dans certains gouvernements), la vaccination progresse lentement : malgré l’augmentation des livraisons en août, 26 pays ont utilisé moins de la moitié de leurs sérums.

On observera l’effort de certains pays.  L’Allemagne qui avait déjà promis 30 millions de doses de vaccins a annoncé, à la suite du sommet G20 Compact with Africa, qu’elle en fournira 70 millions de doses. Pour sa part, la France, une des toutes premières à promouvoir l’initiative COVAX (40 millions de doses distribuées), devrait livrer 10 millions de doses de vaccins Astra Zeneca et Pfizer à l’UA d’ici fin octobre. « Parce que le taux de vaccination reste faible en Afrique et que nous défendons un accès équitable aux vaccins. Face à la pandémie, tous solidaires » ainsi que l’a affirmé le président Macron.

 

Une production locale balbutiante

L’Afrique importe 99% de ses vaccins. Les unités de production de vaccins y sont déjà rares. On en recense 6 seulement : le réseau des centres Pasteur dans les trois pays du Maghreb et au Sénégal, l’entreprise publique Vacsera en Égypte et l’institut public Biovac en Afrique du Sud. Si, jusque dans les années 2000, ce dernier produisait ses propres vaccins, le manque d’investissement dans les installations des institutions publiques qui les produisaient a hélas renforcé la dépendance de l’extérieur.

Toutefois, depuis plusieurs mois, l’UA et le Centre africain pour le contrôle et la prévention des maladies travaillent avec plusieurs pays africains possédant une industrie pharmaceutique pour nouer des partenariats Nord-Sud en vue d’une fabrication d’ici à 2040 d’environ 60 % des vaccins nécessaires à la protection de sa population, toutes maladies confondues. Par le biais du Partenariat pour la fabrication de vaccins en Afrique, ils ont lancé simultanément une initiative visant à créer 5 centres régionaux de recherche et de production de vaccins sur le continent.

S’agissant de la  Covid-19, le Sénégal, le Maroc, l’Égypte et l’Algérie ont signé des accords de transfert de technologies avec l’Union européenne, les États-Unis, la Chine et la Russie. Ils disposent déjà de capacités de production et le Sénégal peut s’appuyer sur son savoir-faire en matière de lutte contre la fièvre jaune.

L’entreprise égyptienne, Holding Company for Biological Products and Vaccines (Vacsera), a commencé à produire le Sinovac (Sinopharm, Chine) depuis juin dernier tandis que le pays est en pourparlers pour fabriquer localement le vaccin britannique Astra Zeneca. Le Maroc a de son côté, signé un mémorandum de coopération également avec Sinopharm (investissement de 421 M€) tandis que le Sénégal annonçait début juillet un accord avec plusieurs institutions (UE, BEI, Banque Mondiale), et plusieurs pays (États-Unis, France, Allemagne et Belgique) pour une usine de production de vaccins contre la Covid-19 et d’autres maladies endémiques d’un montant de quelque 200 M€.

 

Les autres défis de santé

La lutte contre le Covid s’ajoute aux autres maladies qui restent présentes : certaines formes de polio,  paludisme, cancer du col de l’utérus, tuberculose, VIH et autres infections sexuellement transmissibles, hépatite, méningite. Ceci alors que plusieurs pays, en particulier d’Afrique de l’Ouest sont aux prises avec des flambées épidémiques (Ébola, virus de Marburg, choléra…) et, pour l’ensemble du continent, avec une inquiétante remontée des famines : il est estimé que 9,9% environ de la population était en situation de sous-alimentation en 2020, contre 8,4% en 2019. Pour la Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, Dr Matshidiso Moeti, « combattre simultanément plusieurs épidémies est un défi complexe ». La solidarité internationale est impérative, pour l’Afrique mais aussi pour le reste du monde. Le directeur de l’OMS, Dr. Tedros Adhanom Gebreyesus, insiste : « Nous sommes au milieu d’une pandémie croissante à deux voies où le sort des nantis et des plus démunis, à l’intérieur et entre les pays, diverge de plus en plus ». Dans un monde interdépendant, l’éradication du virus implique une lutte globale.

Jean Dollé

 

A lire 

Les informations au quotidien des Nations Unies 

L’aide de la France à l’Afrique dans la lutte contre la Covid-19

 

L’évolution du nombre de cas déclarés en Côte d’Ivoire du 2 mars 2021 au 14 septembre 2021 (source OMS)

Evolution de la population vaccinée  par continent au 21 juillet 2021

Estimation du nombre de vies potentiellement sauvées par un accès précoce au vaccin (source FMI/Financial Times)

Décès Covid par semaine par million d’habitants dans les pays d’Afrique les plus affectés