La France en première ligne pour mobiliser la communauté internationale face au risque d’une accélération du coronavirus en Afrique

Alors que le président Macron était déjà intervenu le 26 mars dernier lors du Sommet d’urgence du G21 pour que l’Afrique soit une priorité, il a été convié le 3 avril à une conférence téléphonique réunissant dix de ses pairs africains dont le président de l’Union africaine (UA) et le DG de l’OMS pour envisager une réponse commune, sanitaire et économique.

 

L’épidémie est encore limitée mais l’Afrique apparaît très vulnérable au choc quand il se produira

Si la propagation du virus est encore limitée par rapport au reste du monde, elle progresse cependant : 9800 infectés dans 51 pays (sur 54 que compte le continent) et 465 décès à ce jour (7 avril). Avec, dans la mesure où elle se confirme, le risque d’isoler le continent des autres régions du monde qui seront rentrées en phase de récupération, comme le souligne une note récente de la Fondation Mo Ibrahim et même de provoquer un dangereux effet boomerang vers le Nord.

Et l’Afrique apparaît plus vulnérable face au choc épidémique quand il se produira. Parmi les raisons :  la faible capacité des hôpitaux, le manque de matériels et produits sanitaires, plus globalement, la précarité des budgets publics, l’entassement non maitrisé de la population urbaine, les habitudes de promiscuité, un secteur informel dominant (jusqu’à 90% du PIB), sans aucune protection, une dépendance de l’extérieur, financière et commerciale (tant dans ses importations que ses exportations), enfin de grands déséquilibres sociaux et des États souvent fragiles, exposés au risque sécuritaire. Ces derniers peinent de surcroit à communiquer avec leurs administrés et obtenir l’application des mesures décidées, comme le montre la destruction le 6 avril d’un centre d’accueil Covid-19 en construction par les habitants en colère du quartier populaire de Yopougon d’Abidjan.

 

Une croissance déjà en berne dans un continent fortement dépendant de l’extérieur

D’ores et déjà, la croissance est revue à la baisse, de 3,2% à 1,8% en 2020. On assiste à une fuite massive de capitaux : les sorties des pays du Sud seraient trois fois supérieures à celle de la crise de 2008-2009. Dans l’autre sens, il est craint une diminution des transferts des migrants, affectés par la crise des pays d’accueil. Or ils contribuent pour de nombreux ménages à subvenir largement à leurs dépenses courantes voire à leurs investissements. Rappelons que les envois de la diaspora émanent, pour l’UEMOA, aux 2/3 d’Europe (24% de France). Certains pays sont particulièrement exposés : ainsi au Sénégal, ces apports constituent 10% du PIB (2018).

Aussi le choc sera-t-il brutal, creusant les inégalités au sein des pays et entre eux, restreignant encore davantage les perspectives d’emploi et d’investissement, avec le danger de déchaîner des conflits latents ou ouverts et de déstabiliser des régimes déjà éprouvés.

 

Une riposte qui entend s’organiser à l’échelle du continent, avec l’aide de la France et des autres partenaires

Face à ces risques cumulatifs, une réponse globale de l’UA, avec l’aide de la France, est en préparation. Elle embrasse quatre volets, sanitaire, humanitaire, scientifique et macroéconomique, avec à l’étude :

  • Une assistance d’urgence de 500 MUSD pour les achats de matériels et le personnel de santé ;
  • La mobilisation d’organisations humanitaires comme le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, le Programme alimentaire mondial ;
  • La mise en synergie des chercheurs africains, de grande expérience dans le traitement des épidémies, avec leurs homologues européens. Elle se fera par l’intermédiaire de l’Institut Pasteur solidement établi en Afrique, et d’autres établissements comme l’Inserm et les IHU.
  • Un appui macroéconomique par le FMI et la Banque mondiale: un montant de 100 milliards USD est évoqué ainsi qu’un moratoire de la dette extérieure, soutenu par la France et l’UE, comprenant annulations partielles et restructurations.

Dans l’immédiat le Sommet Afrique-France qui devait réunir à Bordeaux les 54 chefs d’État du continent sur le thème majeur de la ville durable est reporté. Il en est de même des déplacements du président français prévus dans l’Océan indien et en Afrique du Sud ; il devrait cependant participer à la prochaine visioconférence des chefs d’État africains organisé par ce dernier pays.

 

Sources : L’Opinion du 6/04/20, Note Bloomfield Intelligence, L’impact du Covid-19 sur la zone UEMOA ; Rapport Fondation Mo Ibrahim