A Abidjan du 9 au 20 mai 2022, un évènement majeur, la COP 15 (15e Conférence des parties à la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification)

Pendant 10 jours, la plus grande conférence organisée par l’ONU en Côte d’Ivoire

Après l’Inde en septembre 2019, la Côte d’Ivoire accueille depuis hier et pour 10 jours, la 15e Conférence des parties à la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (COP 15), la plus grande conférence jamais organisée dans le pays par les Nations unies. Cette édition a pour thème « Terres. Vie. Patrimoine : d’un monde précaire vers un avenir prospère ». Organisée tous les deux ans par la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), elle est moins connue que les 2 autres COP, changements climatiques et diversité biologique, pourtant tout aussi cruciale.

Elle réunit plus de 5 000 participants en provenance de 197 pays. Parmi eux, plus de 1000 experts d’organisations régionales et internationales, des chefs d’État et de gouvernement, des représentants de la société civile et des PDG de grands groupes privés.

9 chefs d’État africains sont présents, autour du Président ivoirien Alassane Ouattara, dont ceux du Niger, Mohamed Bazoum, du Congo, Félix Tshisekedi ou du Togo, Faure Gnassingbé. Le Président français, Emmanuel Macron, ainsi que la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, participeront aux débats en vidéoconférence.

La Côte d’Ivoire assurera pendant les deux ans à venir la présidence de la COP15. Le Président ivoirien nommera à sa tête une personnalité du pays qui serait Alain-Richard Donwahi, l’ex-ministre des Eaux et Forêts.

 

 

Un objectif : améliorer la gestion durable de la terre, restaurer les terres dégradées de moins en moins fertiles

40 % des terres du globe sont dégradées. Cette situation affecte 4 milliards de personnes et devrait coûter 23 000 Mds USD d’ici à 2050.

Aussi l’ambition de cette COP est forte, assortie d’un caractère de grande urgence : « La conférence portera une attention particulière à la restauration d’un milliard d’hectares de terres dégradées d’ici 2030, la pérennité de l’utilisation des terres face aux impacts du changement climatique et la lutte contre l’augmentation des risques de catastrophe tels que les sécheresses, les tempêtes de sable et de poussière et les incendies de forêt ».

 

 

L’Afrique, le continent le plus affecté par la désertification, la région sub-saharienne en tout premier lieu

 L’Afrique subsaharienne est la région du monde la plus durement touchée. 65% des terres productives sont dégradées, tandis que la désertification affecte en 2021 45% des terres du continent selon la FAO, explique le Président du Comité d’organisation de la COP 15, M. Abou Bamba.

Environ 4 M ha de forêt y disparaissent chaque année tandis que 319 M risquent la désertification du fait notamment de la recherche de sols fertiles (cacao…), de l’exploitation minière, de la collecte de bois. Cela représente une diminution annuelle de 3 % du PIB du continent. 45 millions de personnes sont menacées d’insécurité alimentaire en Afrique à cause de la sécheresse (Programme alimentaire mondial-PAM, 2019).

Le projet pharaonique de la Grande Muraille verte, qui vise à restaurer 100 millions d’hectares de terres arides en Afrique d’ici 2030 sur une bande de 8 000 km allant du Sénégal à Djibouti mais peine à avancer par manque de financements, sera notamment abordé.

Le défi majeur qui polarisera les débats est celui du développement de l’agriculture, incontournable face à l’explosion démographique et à l’impératif d’autosuffisance alimentaire, mais responsable dans sa forme actuelle de 80% de la déforestation, de 70% de la consommation d’eau douce et principale cause de perte de la biodiversité terrestre dans le monde.

 

 

Un enjeu crucial pour la Côte d’Ivoire…

 La Côte d’Ivoire, 1er producteur mondial de cacao, 1er exportateur mondial d’anacarde, 5e d’huile de palme… est au cœur de cette problématique.  Elle a perdu plus de 92 % de ses forêts primaires en 60 ans : le massif forestier est passé de 16 M ha en 1960 à moins de 3 M en 2021. Près de 60% des terres productives sont dégradées.

Or l’agriculture constitue un pilier essentiel de l’économie ivoirienne. Avec près du 1/4 du PIB et plus de 75% des exportations, elle fournit le principal moyen de subsistance de 2/3 des ménages et emploie près de 70% de la population active. Cependant, outre son impact sur le couvert forestier, elle reste largement sous-productive, favorisant une emprise extensive des sols : ainsi la production de riz n’atteint que 1,5 tonne/ha contre 10,29 tonnes en Australie. Celle de canne à sucre est de 78,66 tonnes contre 129,05 tonnes au Guatemala.

 

…qui a lancé une action volontariste : un Plan national de lutte contre la dégradation des terres

La Côte d’Ivoire s’est déjà engagée dans un Plan national de lutte contre la dégradation des terres en phase avec le cadre décennal (2008-2018) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULD) ; elle a adhéré au programme « Neutralité en matière de dégradation des terres » et accroît les initiatives de protection de la forêt. Une « Stratégie de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts (SPREF) » vise à atteindre 20 % de couverture forestière du territoire national d’ici 2030 soit environ 6,45 M ha.

Ces actions ont permis de freiner la déforestation qui se poursuit à un rythme moins élevé que par le passé : 26 000 ha/an entre 2019 et 2021 selon le ministère des Eaux et Forêts, un niveau plus de 10 fois inférieur à celui observé entre 1990 et 2015 (300 000 ha) grâce notamment à l’Initiative Cacao et Forêts (ICF) adoptée par le pays en 2018.

 

Concilier la cacaoculture et le reboisement

En effet, si le cacao est le premier moteur de la croissance économique du pays, il est aussi le principal responsable de la disparition du couvert forestier. Aussi le gouvernement a-t-il pris l’engagement en 2014, dans le cadre de la Déclaration de New York sur les Forêts, de produire un cacao ivoirien zéro-déforestation à partir de 2017 et de restaurer 20% du couvert forestier du territoire national d’ici à 2030.

L’atteinte de cet objectif passe par la mise en place d’un système agroforestier qui associe aux cacaoyers la culture des arbres. Cette pratique culturale transforme le paysage en le rendant plus résilient à la sécheresse et aux changements climatiques.  Pour soutenir sa mise en œuvre  le Conseil du Café-Cacao, par exemple, va introduire 60 millions de plants d’essences forestières en milieu rural d’ici à 2024.

 

 Priorité aux jeunes et aux femmes

Une large place est accordée dans cette COP 15 aux jeunes, les agriculteurs de demain qui doivent être formés à des techniques plus durable ainsi qu’aux femmes qui assurent l’essentiel de l’activité agricole.

Ainsi un Forum des Jeunes est lancé les 9 et 10 mai, premiers jours de la COP, en présence de MM Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre d’État en charge de l’Agriculture et du Développement rural, Jean-Luc Assi, ministre de l’Environnement et du Développement durable, Mamadou Touré, ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’insertion professionnelle et du Service civique, ainsi que de M. Abou Bamba, président du Comité d’organisation de la COP 15.

Il s’inscrit dans la Stratégie Nationale Intégrée de Promotion des Emplois Verts visant l’insertion professionnelle de 23 000 jeunes dans les métiers de la Terre ainsi que dans le Projet Enable Youth Côte d’Ivoire destiné à susciter l’intérêt des jeunes pour les métiers du secteur agricole et contribuer à la lutte contre le chômage, avec pour objectif la création de 74 500 emplois.

S’agissant des femmes, le sujet était inscrit au programme ce 10 mai, juste après la cérémonie d’ouverture et le Sommet des Chefs d’Etat. Présidée par la Première Dame, Dominique Ouattara, avec à ses côtés, Denise Nyakeru Tchisekedi, Première Dame de la RDC, la réunion a fait état de leur marginalisation malgré le rôle essentiel qu’elle exercent dans  l’activité agricole africaine. Elles se heurtent aux règles coutumières qui restreignent leurs droits à la propriété foncière. La moitié de la main d’œuvre agricole en Afrique subsaharienne est composée par les femmes qui ne détiennent que 18% de titres fonciers. Elles sont les premières à subir l’impact de la désertification. Mme Ouattara a appelé à une meilleure participation à la vie économique et à l’accroissement de leur pouvoir d’action. Elle a annoncé que le Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire qu’elle a créé en 2012 est doté à ce jour d’un capital de 25 milliards de FCFA et a permis à plus de 300 mille femmes ivoiriennes d’être financièrement autonomes et de prendre en charge leurs familles soit plus de 2 millions de personnes épargnées de la pauvreté.

 

Officialisation de l’ «Initiative d’Abidjan » ou « Abidjan Legacy Program »

Pour la Côte d’Ivoire, la COP 15 est l’instrument d’une vaste transformation de la structure économique de son agriculture à travers un programme dénommé l’«Initiative d’Abidjan » (“Abidjan Legacy Program”), en vue de la restructuration, de la réhabilitation et de la régénération des sols dégradés sur toute l’étendue du territoire national.

D’un montant de 1,5 Md USD pour une durée de 5 ans, somme à mobiliser auprès des bailleurs de fonds et en ressources domestiques, l’Initiative d’Abidjan se décline en 4 axes.

  • Lutte contre la déforestation et restauration de 20% du couvert forestier d’ici la fin de la décennie ;
  • Amélioration de la productivité agricole à travers la mécanisation et la restauration des sols ;
  • Développement de chaînes de valeurs actuelles plus durables avec « une transformation locale plus significative, pour générer davantage de richesses et d’emplois, surtout pour les jeunes et les femmes »;
  • Identification des chaînes de valeur du futur, « respectueuses des sols et qui vont résister au changement climatique ».

Portée par la Côte d’Ivoire, l’Initiative d’Abidjan, pourrait être étendue aux autres pays. « C’est un programme dont les grands principes pourront s’appliquer à tous les pays confrontés aux défis de la désertification et de la déforestation », a déclaré le Premier ministre, Patrick Achi, qui ajoute: « Cette initiative d’Abidjan, inspirée de la vision du Président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, est donc une approche globale et novatrice pour une nouvelle prospérité (…) L’initiative d’Abidjan est donc un héritage, un devoir absolu qui nous incombe de garantir que notre Terre, source de toute vie, pourra demain, continuer de profiter aux générations futures, avec la même beauté, la même abondance et la même durabilité ».

Présentée hier, dès le premier jour de la COP, elle a immédiatement bénéficié d’un appui de plus de 1 Md USD :  500 M USD de la BAD, 502 M USD de ‘’Team Europe’’ qui regroupe l’Union Européenne et la Banque européenne d’investissement, 130 MUSD du Fonds international du développement agricole (FIDA), 30 MUSD du PNUD, 370 Mds FCFA de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et de 100 MUSD de l’Institut Ban-Ki Moon

 

 

A écouter (7 mn, 9 mai)

Message du Président Emmanuel Macron à l’occasion de la COP 15 contre la désertification, à Abidjan

 

 

Abidjan, 9 mai 2022

Le Président Alassane Ouattara présente ce 9 mai « L’Initiative d’Abidjan »